Dans un article précédent, nous avons eu l’occasion d’identifier les cinq niveaux d’impact de la formation qui entrent en ligne de compte pour une évaluation complète et qui représentent de vrais enjeux pour une évaluation de qualité. Nous avons également vu les limites de ces évaluations avec les immensurables. Dans ce second article, découvrons les différents aspects de l’évaluation de la formation à travers une infographie, les trois principes clés pour une évaluation de qualité ainsi que quelques astuces pour contourner l’évaluation des immensurables.
L’évaluation de la formation résumée
Évaluer la formation n’est pas simple. Même si l’on se contente souvent du formulaire de satisfaction à remplir, ce n’est pas suffisant pour mener une évaluation complète. C’est un processus complexe qui se fait sur la durée en impliquant diverses parties prenantes.
Ce processus démarre par une réflexion au niveau de la direction de l’entreprise : Qu’est ce qui permettra de dire que notre stratégie de formation sera réussie ? Quels indicateurs qualitatifs ou quantitatifs permettent de dire, si dans un an, notre stratégie sera un succès ?
Dès lors, le cycle d’évaluation commence par le traditionnel questionnaire de satisfaction, réalisé par l’organisme de formation ou le département L&D.
Puis, les acquis de formation sont mesurés quelques semaines après, afin d’évaluer la transmission des savoirs aux apprenants. Il s’agit de mesurer l’écart des connaissances entre l’avant-formation et l’après. S’ensuit la mesure de l’application pratique de ces savoirs dans le contexte professionnel de l’apprenant. Cette application se fait dans la durée (au minimum 2 mois, selon le modèle de Kirkpatrick (1998) et s‘attache à mesurer l’évolution de son comportement suite à la formation. Cette évaluation doit donc se faire par quelqu’un capable d’observer cette évolution. Il s’agit souvent du manager direct sous la supervision des ressources humaines.
Cette évolution doit normalement aboutir à une amélioration des performances de l’apprenant: A-t-il atteint ses objectifs ? Sa productivité est-elle améliorée ? Ici aussi, c’est souvent le manager direct qui sera le plus apte à évaluer la performance de ses collaborateurs. Ces informations sont en général centralisées au niveau de l’entreprise au moment des entretiens annuels.
Enfin, le retour sur investissement de la formation termine le cycle d’évaluation en lien avec les premières questions : Les indicateurs identifiés sont ils positifs ou négatifs ? Est-ce qu’ils sont satisfaisants par rapport au montant investi ?
Trois principes clés pour un cycle d’évaluation réussie
- Évaluer le ROI de la formation va plus loin qu’un simple ratio financier. Il s’agit de mesurer la création de valeur à partir d’indicateurs clés de performance (KPI) définis en amont de la formation. Ces indicateurs peuvent être orientés vers les résultats (quantitatif : la performance) ou les processus (qualitatif : le capital humain) (Dunberry et Péchard, 2007)
- L’évaluation de la formation est un cycle qui implique toutes les parties prenantes en amont et en aval. En amont, on définit la stratégie formation avec la direction. La formation doit être considérée comme un levier RH aligné sur la stratégie d’entreprise : partager la même vision permet la fixation des KPI qui ont du sens à la fois pour la direction, les RH, les managers et les salariés/apprenants.
- Plutôt que d’évaluer la dimension “application” en une fois, elle est considérée comme une période d’accompagnement réalisée avec le manager. Dans son rôle de coach, il pourra:
- fournir au salarié des occasions de mettre en application le contenu de la formation.
- donner du feedback continu pour l’aider à développer, dans la durée, cette nouvelle compétence (Pottiez, 2013).
Les immensurables ont un effet sur les mesurables
Même si certains éléments sont difficiles à mesurer de façon fiable, Phillips propose en 2015 un moyen de contourner ce problème pour évaluer les impacts d’une formation. Lorsqu’on est face à un immensurable, l’enjeu n’est pas de chercher à l’évaluer coûte que coûte mais plutôt de chercher quelles sont ses conséquences sur d’autres éléments mesurables.
Par exemple, si l’on attend d’une formation qu’elle améliore le bien être au travail, il peut être tentant de proposer un questionnaire “avant/après”… Cette étude serait néanmoins peu viable pour évaluer la formation car de nombreux facteurs non liés peuvent perturber l’analyse. Les conditions de travail, les collègues, le matériel, la restauration ou même des facteurs personnels ont une influence : un problème de transport, des bouchons sur la route n’influencent-ils pas votre bien-être du jour ?
En résumé, une analyse de ce type est influencée par tellement de facteurs qu’il est difficile d’isoler le levier “formation”. Par contre, un immensurable telle que le bien-être au travail a des conséquences sur la performance de l’entreprise, la marque employeur, le turnover, le nombre d’arrêts maladie, la productivité… Ces éléments produisent des informations mesurables qu’il est possible de corréler au bien-être au travail et donc à l’action ou à la stratégie de formation.
En conclusion, évaluer la formation reste complexe, long et implique de nombreux interlocuteurs. Elle suppose donc une phase de réflexion pour aboutir à une réelle stratégie d’évaluation qui permettra d’obtenir les ressources nécessaires et l’engagement de tous dans cette démarche.
RÉFÉRENCES
- Dunberry, A & Péchard, C. 2007. L’évaluation de la formation dans l’entreprise : état de la question et perspectives
- Gilibert, D & Gillet I. 2010. Revue des modèles en évaluation de formation: approches conceptuelles individuelles et sociales. Pratiques Psychologiques, Elsevier Masson, 16, pp.217-238.
- Kirkpatrick, D.L. 1998. Evaluating training programs.
- Phillips J, Pulliam Phillips P. 2015. Handbook of Training Evaluation and Measurement Methods
- Pottiez, J. (2013). L’évaluation de la formation. Paris: Dunod.
- Wargnier, J. (s.d). Livre blanc CrossKnowledge Evaluating and demonstrating the value of training