Tout le monde est convaincu qu’il faut faire de la formation mais quel est le retour sur investissement constaté ? Quels en sont les bénéfices? Existe-t-il des éléments de mesures crédibles pour évaluer la création de valeur? Que répondre à une direction générale qui verrait dans le budget formation, des sources d’économies non négligeables? Le modèle de Kirkpatrick/Phillips nous explique pourquoi évaluer et surtout quoi évaluer.
Que faut-il évaluer ?
Évaluer la création de valeur, c’est comparer le coût d’un investissement au bénéfice perçu en retour. Le premier est relativement facile à calculer. Le second s’avère plus complexe car multidimensionnel et impliquant des partie-prenantes de différents niveaux organisationnels, avec pour chacune des objectifs différents.
Calculer le coût de la formation revient globalement à consolider un ensemble de données comptables qu’on peut classer en 3 catégories :
- les coûts directs : dépenses pédagogiques (factures aux organismes de formation, frais de déplacement et d’hébergement…
- les coûts indirects : salaires des collaborateurs pendant le temps qu’ils passent en formation.
- les charges de structures : département formation, salaires des formateurs, et concepteurs internes, salles dédiées à la formation, équipement, licences informatiques…
Évaluer les bénéfices de la formation est bien différent. Plutôt qu’un ensemble de données, on peut parler d’une chaîne de preuves mesurables représentées par la pyramide de Kirkpatrick/Phillips. Elle identifie 5 dimensions :
- Quelle est la valeur créée pour mon entreprise? Est-ce que cela justifie l’investissement en formation? – ROI
- Quel impact la formation a eu sur mes résultats? – Results
- Est-ce que je la mets en œuvre en situation de travail? – Behavior
- Ai-je appris quelque chose? – Learning
- Suis-je satisfait de ma formation ? Y ai-je trouvé du plaisir ? Était-elle intéressante ? – Reaction
Selon Kirkpatrick, chaque dimension a un effet sur la suivante (celle qui se trouve au-dessus dans la pyramide). Elle l’impacte si elle est favorable mais ne la déclenche pas forcément. L’ensemble des dimensions permet de forger une chaîne de preuves (Pottiez, 2013) qui au final démontre l’impact de la formation sur l’ensemble de l’organisation (les différentes parties-prenantes) :
Salarié/apprenant | Parties-prenantes |
Si j’ai jugé ma formation satisfaisante, j’aurai plus de facilités à retenir le contenu… Si j’ai bien retenu le contenu, j’aurai plus de facilités à l’appliquer dans mon travail… Si j’ai des occasions d’appliquer le contenu de la formation , cela aura plus facilement un impact sur mes résultats… Et si mes résultats progressent, cela créera plus facilement de la valeur pour mon entreprise. | animée par le formateur / développée par un concepteurvalidé par le Département Formationaccompagnées par le Manager et suivis par la Direction Ressources Humainesévaluée par le Comité de Direction |
Présenté comme ça, cela peut paraître facile mais dans les faits, même si 90% des entreprises évaluent la satisfaction, seules 2% évaluent le ROI. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ces statistiques, l’une d’entre elle est qu’une grande partie des bénéfices de la formation sont immensurables…
Les immensurables?!
Est-on capable de mettre un chiffre sur tout ?!
Selon Phillips (2012), ces immensurables correspondent aux bénéfices non valorisables d’un point de vue monétaire. Combien rapporte mon bien-être au travail ou mon leadership à mon entreprise?. Ces bénéfices sont parfois la conséquence directe de la formation. Une formation en gestion du stress ou en gestion des priorités peut avoir des effets bénéfiques très importants et améliorer considérablement le bien-être d’un salarié sur son poste. Cependant comment mesurer l’impact que ça aura sur ses relations aux autres, sa capacité à déléguer, la réduction des effets du stress sur le long terme…
Phillips en identifie quelques-uns : leadership, innovation, créativité, collaboration (teamwork), qualité du service, réputation, capital intellectuel,… sont quelque unes des principales valeurs (Key values) de sociétés telles que Coca Cola, Boeing, Oracle ou Novartis…
Ces valeurs, ces enjeux qui sont majeurs pour des plus grandes entreprises du monde sont pourtant considérés comme non évaluables…
Les immensurables n’apparaissent dans aucun bilan financier, aucun compte de résultat mais ils sont bien là et ils sont des facteurs clés de succès indéniables. Ils transforment les organisations, le management, la façon dont les nouveaux produits ou services sont créés, produits et vendus.(Phillips, 2006).
Pourquoi évaluer ?
D’un point de vue “Formation”, évaluer est nécessaire, voire indispensable pour trois raisons (Kirkpatrick,1998):
- Développer le Marketing de la Formation :
Le département formation doit d’une part démontrer sa contribution aux objectifs de l’organisation et d’autre part communiquer auprès des futurs salariés/apprenants et de leurs managers pour les inciter à participer aux programmes de formation. Prouver les résultats permettra à la fois de justifier l’investissement Formation, d’engager les salariés à participer au programmes tout en donnant aux managers des preuves de l’impact qu’ils ont également à gagner en laissant leur collaborateurs suivre les programmes. - Définir la Stratégie de la Formation :
Évaluer permet de décider si l’on doit poursuivre ou arrêter les programmes de formation. Comment décider de maintenir ou d’arrêter un programme? Quelles informations sont nécessaires pour justifier des changements dans les axes de formation? Évaluer permet d’avoir des données factuelles sur lesquelles il est possible de se baser pour prendre des décisions en toute connaissance de cause. - Assurer la Qualité de la Formation :
Obtenir des informations sur comment améliorer les futurs programmes de formation. Comment être sûr que les programmes détaillés correspondent aux attentes des participants? Comment les améliorer? Évaluer permet d’avoir des informations, des retours
Devant cette contradiction, plusieurs recherches proposent des solutions basées sur le modèle de Kirkpatrick/Phillips. Vous trouverez dans un second article, quand évaluer, qui impliquer, et comment évaluer ces immensurables si importants pour les entreprises…
RÉFÉRENCES
- Dunberry, A & Péchard, C. 2007. L’évaluation de la formation dans l’entreprise : état de la question et perspectives
- Gilibert, D & Gillet I. 2010. Revue des modèles en évaluation de formation: approches conceptuelles individuelles et sociales. Pratiques Psychologiques, Elsevier Masson, 16, pp.217-238.
- Kirkpatrick, D.L. 1998. Evaluating training programs.
- Phillips J, Pulliam Phillips P. 2015. Handbook of Training Evaluation and Measurement Methods
- Pottiez, J. (2013). L’évaluation de la formation. Paris: Dunod.
- Wargnier, J. (s.d). Livre blanc Crossknowledge Evaluating and demonstrating the value of training