Cet Article rédigé par Rahaf Harfoush fait partie d’une publication composée de 11 autres contributions par les membres de notre Faculty autour des thématiques de transformation.
Les entreprises du monde entier peinent à s’adapter aux bouleversements technologiques qui changent la donne en permanence. Pour rester compétitifs, les dirigeants d’aujourd’hui s’efforcent d’identifier les stratégies qui permettront de développer une culture d’entreprise encourageant l’adaptation continue au sein d’équipes novatrices et agiles.
Il n’est pas étonnant que « transformation digitale » soit la dernière expression à la mode qui concerne tous les aspects de l’entreprise, allant du recrutement et de la rétention des talents au marketing et aux outils analytiques. Le dénominateur commun est la pression exercée sur l’organisation pour qu’elle change et adopte de nouvelles technologies le plus vite possible.
Cette expression trompeuse ne devrait plus être utilisée.
D’un point de vue sémantique, elle désigne un changement net, une action ponctuelle qui fait passer le sujet d’un état à un autre. En d’autres termes, il s’agit d’un aller simple avec une destination clairement définie. La notion de transformation n’est plus réaliste de nos jours et s’inscrit dans une philosophie obsolète qui se heurte à la fluidité du marché. Par le passé, un seul changement radical suffisait pour qu’une entreprise survive aux turbulences du marché, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Les entreprises doivent désormais adopter le concept d’« évolution digitale » : seul un engagement fort en faveur d’un changement continu leur permettra de réussir. L’évolution est en effet un type de changement, mais qui s’opère progressivement et en continu. Cette légère différence peut avoir un énorme impact sur la stratégie de gestion, la culture de l’entreprise et les bonnes pratiques.
Il faut par exemple adapter les processus en mettant en place des évaluations régulières des résultats et des méthodes — une autoréflexion permanente, sans crainte d’identifier les points faibles et les lacunes ni de remettre en cause le système qui en est à l’origine. Le recrutement doit privilégier les candidats faisant preuve de capacité d’adaptation, de tolérance vis-à-vis de l’incertitude et de volonté d’expérimentation. Ces compétences doivent faire partie des descriptions de poste pour toutes les fonctions et à tous les niveaux de l’entreprise.
Culturellement parlant, la mutation est plutôt d’ordre philosophique : les dirigeants doivent vivre avec un sentiment d’inachevé permanent, incompatible avec les indicateurs de productivité et leurs check-lists à cocher lorsque les actions sont terminées. Nous devons au contraire admettre que nous n’aurons jamais « terminé », car le monde oblige constamment les entreprises à s’adapter. Bienvenue dans l’ère du « business zen », où l’on se laisse porter par le flux ininterrompu de progrès au lieu de le combattre.
Étant donné que l’évolution digitale concerne aussi bien l’entreprise que l’individu, la formation continue joue un rôle essentiel dans le processus. Après tout, si notre environnement est en évolution constante, alors nous le sommes aussi par extension. En investissant de façon régulière dans le développement des collaborateurs, vous vous assurez que leurs compétences sont constamment à jour.
Pour ce faire, vous devez réserver dans l’organigramme des postes dédiés à la gestion des projets de formation. On ne répétera jamais assez que les employés prennent exemple sur leurs responsables : si les dirigeants ne considèrent pas la formation continue comme une priorité absolue, les collaborateurs adopteront la même attitude, ce qui diminuera les taux d’adoption et de réussite des formations.
Enfin, nous devons revoir tous ces indicateurs de productivité, trop axés sur l’obtention de résultats en permanence — un sous-produit de la révolution industrielle qui avait un sens à l’ère de la production, mais qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Alors que les industries de la connaissance attirent une partie croissante de la population active, la poursuite incessante du résultat causera plus de tort que de bien au capital intellectuel des entreprises. Des chercheurs ont montré que le cerveau a besoin de périodes de repos pour se recharger et, surtout, pour assimiler les informations nouvellement acquises. De nos jours, de nombreuses organisations mettent l’accent sur une productivité constante : un flux d’e-mails incessant et des réunions à répétition reflètent une obsession culturelle de surmenage et de suractivité.
Une approche radicale consisterait à définir des périodes de pause, afin de donner aux collaborateurs l’occasion de réfléchir à leurs performances ainsi qu’aux priorités stratégiques à long terme de l’entreprise.
La survie d’une espèce dépend de sa capacité à s’adapter à son environnement. La transformation digitale n’est plus une stratégie adéquate pour améliorer la performance. Les dirigeants qui parviennent à prendre ce virage du management peuvent aider leurs entreprises à évoluer en fonction des besoins de l’ère de l’information. Dans un monde où les réponses changent sans cesse, la seule chose à faire est de continuer à poser les bonnes questions.