La formation est au cœur de la transformation digitale de l’entreprise. Résumons : cette transformation suppose que tous les collaborateurs soient a minima dotés d’une sorte de « smic » de culture digitale : ce qu’on peut attendre du numérique, à titre personnel, dans son métier, dans l’entreprise ; quelles formes il prend ; quels usages les salariés vont en avoir, pour quel impact sur leurs activités professionnelles, etc.
C’est à la formation qu’il appartient largement de construire cette culture digitale, dont on constate peu à peu qu’elle va conditionner le niveau de performance collective. La formation n’est pas seule en jeu, bien sûr, et c’est un autre défi qui l’attend : celui de « s’interfacer » judicieusement, étroitement avec les métiers et les services de l’entreprise prioritairement concernés par la transformation digitale. Une formation anticipatrice. Défi, car la formation est souvent consultée a posteriori par les métiers : « On lance ce nouveau produit dans un mois, qu’est-ce que vous proposez pour former les commerciaux ?« … Formation proactive : les responsables formation vont devoir déployer leurs antennes pour capter les signaux plus ou moins faibles du digital en devenir dans leur entreprise, et proposer leurs offres aux opérationnels en proie aux affres du changement numérique.
Marqueurs de la culture digitale
La formation sera crédible si elle possède cette culture digitale dont elle est potentiellement l’un des fers de lance. Le terme culture dit bien ce dont il s’agit : pas seulement de la maîtrise d’outils ou de techniques, mais d’appropriation des valeurs, notions, objets, modes opératoires, approches, etc. qui sont portés par la culture digitale, et qui la définissent en même temps. Ce qu’on peut commencer à repérer par les mots systématiquement accolés à la culture digitale, par exemple : Agile, Business, Social, Mobile… Un département formation dont les projets continueraient d’être gérés à l’ancienne (projet en cycle V, voire méthode ADDIE) sans tenir compte des apports de l’approche Agile pourrait difficilement se réclamer d’une culture digitale. Même remarque pour le Social ou le Mobile, qui sont des marqueurs forts d’une transformation digitale bien avancée, de l’entreprise, et de la formation (social learning, mobile learning).
Degré de maturité digitale de la formation
Trois étapes au moins viennent scander le degré de maturité digitale de la formation (et celui de l’entreprise, car les deux évoluent en parallèle, à défaut que ce soit toujours synchronisé).
- D’abord ce qu’on pourrait qualifier d’étape tactique, qui correspond à ce que j’ai par ailleurs appelé le saupoudrage digital (et que Paul Hoskins désigne par Digitally Reactive) : on réagit le plus souvent sous la contrainte, on injecte du digital dans une solution déjà existante, le résultat n’est pas forcément brillant mais enfin…
- Deuxième stade : prise en compte « amont » du digital – le dispositif et les offres de formation ne changent pas de paradigme, mais la valeur créée est ici beaucoup plus importante que précédemment (Digitally strategic).
- Le stade ultime est celui d’une formation réinventée par le digital, l’innovation est à courant continu, en prise avec l’innovation permanente des technologies et des usages rapidement appropriés par les utilisateurs, les « digital natives » en particulier (Digitally transformational).
En général, l’entreprise et son dispositif de formation procèdent par étape. Des grandes entreprises commencent à passer du stage réactif au stade stratégique (ce qu’on peut constater dans le cadre des Séminaires Digital Learning Strategy de Féfaur) : il est question de transformer l’expérience éparse, de la réunir en stratégie pour lui donner une cohérence et commencer à tirer le meilleur parti du digital learning. D’autres (elles sont nombreuses) restent encalminées dans le e-learning ou le blended 1.0 (linéaire, non social, non mobile, non optimisé). Rares enfin sont les acteurs ayant entrepris une véritable transformation digitale de la formation ; ce qu’on peut comprendre : cette transformation n’aurait pas grand chance d’aboutir dans une entreprise qui ne serait pas déjà avancée dans la transformation de la plupart de ses activités.
Peut-on faire l’économie des premiers stades, pour mettre directement en oeuvre le « digital learning transformationnel » ? Peut-être oui, mais il est sans doute moins risqué, pour l’entreprise qui débuterait dans le digital learning, de commencer par l’étape stratégique.